Je connais mon incapacité à imaginer le pire, je n'ai jamais su/voulu faire, en tous cas dans la vie perso… (dans la vie pro, je crois que j'envisage assez rapidement les risques, mais pas spontanément le pire)… mais de là à anticiper que nous pourrions péter notre embrayage en pleine montagne à 3000 m au milieu de nulle part (réellement !), pour seul chemin une géante tourbière, et que la nuit nous apporterait la neige et -11°C et que notre chauffage Webasto ne fonctionnerait pas (c'est toujours un mystère, heureusement nous pouvions encore démarrer le camion), là non, ce n'est pas un scénario que nous avions envisagé… Il n'y a d'ailleurs qu'à viser nos garde-robes : 1 polaire par personne, chaussettes d'été, 1 pantalon par personne, pas de manteau, ni gant ni bonnet bien entendu ! Mais l'empilement de couches fonctionne tant bien que mal, comme prévu.
D'ailleurs, nous avons à cette occasion mesuré combien nous avons certes, plutôt bien anticipé les conditions matérielles de notre périple -combien de fois nous nous sommes félicités d'avoir choisi notre Charlie Popette qui nous emmène partout, nous aurions été tellement frustrés de ne pas pouvoir explorer les coins perdus et nous en tenir aux routes standards !-, mais pas assuré nos arrières en cas de réel pépin. Je sais c'est en grande partie ma faute… quand Manu m'a parlé de téléphone satellite, je l'ai envoyé péter en disant qu'on trouverait partout ou presque du réseau - il n'y a guère qu'en Mongolie blablabla… eh bien justement :)!). Et quand bien même nous avions eu du réseau, n'ayant pas pris de carte SIM (là c'est Manu !), ni d'assurance pour le véhicule, le garage le plus proche étant à UB - c’est-à-dire à 900km, ce n'est pas une blague, ils sont tous formels là-dessus ! -, qu'aurait on pu faire de plus ? Je reste pour ma part intimement persuadée que l'assurance ne vaut pas le coup (assurance = placebo, mais c'est un autre débat :).
Avant le crash, nous avons eu une bonne grosse trouille sur la "route" de rochers qui nous a coûté l'embrayage. D'abord, Manu était tendu comme une arbalète, car une route pleine de rochers ça se fait à 20 à l'heure et ça tape dans les blindages du dessous (heureusement qu'ils sont là eux !) et on ne sait jamais ce qui en résulte. On est arrivé sur un col tout pierreux qu'on a monté à grand renfort de frein à main et qu'on a descendu sur un chemin en sacré dévers à pic sur une falaise et rivière en contre-bas… Franchement flippant avec toute notre lourdeur.. Les filles et moi sommes descendues et Manu a cru mourir… cf vidéo du passage de col (pas capté le moment le plus critique, j'étais en train de prier… ou serrer les fesses, je ne sais plus).
Des passages à gué qui nous montent jusqu'au capot.
après le passage de col... c'est sacrément raide.. on laisse Manu seul aux manettes !
Au final (enfin à ce jour…), dans notre malheur, nous avons eu la chance de tomber en rade à 200 m de 3 yourtes : 2 couples avec enfants - la sœur "Onsaw", enceinte de 6 mois, son mari et son petit garçon de 5 ans et le frère, sa femme et sa petite de 18 mois, les 2 autres enfants étant à l'école à Otgon chez les grands parents, et les parents).
Du coup, le frère a secondé (ou plutôt devancé) Manu sur le diagnostique et la mécanique (Manu ne m'avait pas menti : n'y connais rien en mécanique moi hein :(, bon on va dire qu'il s'y connaît de plus en plus :)).
Dans l'intervalle, les filles ont squatté la yourte et regardé 2 dessins animés (eh oui, pas de réseau ou il faut aller en haut de la montagne, 20 min à cheval ou en moto : on aura du coup expérimenté tous les moyens de transport !, mais il y a la télé et des dessins animés japonais!) et surtout participé activement à la préparation des kuush (raviolis au mouton… un sacré boulot à vrai dire et pour un résultat… moutonneux!), beaucoup moins à leur dégustation ...
Moi je cherchais à communiquer avec nos gentils hôtes : ici, pour prendre une décision, il faut tous discuter, échanger longuement, peser les éventualités, chacun donne son point de vue, quand nous on a tendance à vouloir trancher rapidement (et surtout ne pas faire long feu dans cette sublime montagne gelée !!).
On a passé une nuit terrible à -11°C sous la neige ; on s'est retrouvé à se coller les uns aux autres pour se tenir chaud, mais on tenait à dormir dans le camion pour que les filles mangent un peu ! Le mouton ça passe plus ! Au petit matin (blanc et magnifique) heureusement réchauffé par le soleil, nous avons fait conseil avec nos hôtes et décidé de repartir en arrière (avec des données très partielles sur l'état des routes et l'itinéraire), accompagné du frère qui nous suivrait avec son UAZ. Pas sereins ceci dit, j'ai vu Manu devenir livide à l'idée de repasser le col pierreux qui nous avait bien fichu la trouille à l'aller, sans embrayage… Finalement, on a réussi à repartir en convoi avec des 4x4 qui sont passés par là miraculeusement pour voir la montagne sacrée… et qui nous tracteront 2-3 fois. Un des pilotes va prendre le volant de Charlie Popette au début, au grand soulagement de Manu qui apprend en regardant à passer les vitesses sans embrayage… Ouf ! Le vrai stress, c'est d'être tout seul en cas de pépin ! Nous ferons un stop à Otgon dans la famille de nos nomades - un ptit thé au lait + plov et c'est reparti ! Direction UB, il n'y a de garage que là bas a priori !!
la neige au petit matin
le garage mongol des montagnes...
Route de montagne, mais soft cette fois, sans pierre ou presque, restent bien entendu quelques montées descentes (on s'y reprend parfois à 2-3 fois dans les montées, obligés de retrouver la pente pour redémarrer)… Manu assure, un vrai pro de la conduite sans embrayage ! Le paysage est beau, on croise 5 ou 6 fennecs qui détalent devant nous, et le soir on arrive fatigués à Bayankhongor où on peut enfin appeler la guesthouse à UB qui est sensée s'occuper de 4x4… et c'est le cas ! Les choses semblent rentrer dans l'ordre un peu, encore 600 bornes à faire, mais a priori de route asphaltée...