Suite du post précédent… Malgré nos efforts pour rendre notre scan le plus ressemblant possible, peine perdue ! Prenons le sujet par ordre chronologique : en arrivant à 9h côté lao, ils nous envoient directement au Cambodge pour avoir l'autorisation du véhicule (eh oui, ils sont rôdés…). Nous voilà arrivant chez Mr Customs côté Cambodge avec nos splendides copies de l'autorisation d'importation temporaire (rappel : que nous avions obtenue la veille à 18h !! Pas d'autre choix donc de nous présenter avec une impression de scan, le dossier étant parti par bus pour Stung Treng, la 1ère ville cambodgienne, 70 km après la frontière, avec objectif d'arriver à 5h du mat le lendemain - soit le jour de notre passage de frontière).
Mr Customs voit tout de suite la "supercherie" de la copie : il a besoin des originaux. On tente un petit bluff lui disant qu'on ne comprend pas, on n'a que ce document. C'est celui qu'on nous a remis hier soir (les docs sont datés, on ne peut donc pas raconter n'importe quoi). Bref, au bout de 15 min, avec intervention d'un tiers par téléphone qui nous réexplique la même chose, strictement (on doit respecter les règles de son pays, c'est comme ça), on comprend que nous n'aurons pas d'autre choix que d'aller chercher l'original. Nous voilà donc en quête de la meilleure tactique pour y aller : tous les 5 ou juste manu ou moi. Clairement, pas rentable d'y aller tous les 5. On accompagne donc Manu au tampon pour sortie du Laos pour qu'il puisse prendre un bus jusqu'à Stung Treng. Là, on se heurte au racket organisé des douaniers laos (police immigration), qui demandent 2$ par coup de tampon (absolument pas légal). On décide de ne pas accepter et de rejoindre un petit groupe de 6 jeunes backpackers français qui font un sitting pour protester. Là nous essayons à peu près toutes les stratégies : occupation du guichet, imploration, nous savons que ce n'est pas légal et nous ne cèderons pas, montrez nous un texte qui stipule que nous avons à payer cette taxe, nous connaissons personnellement l'ambassadrice de France au Laos, nous allons appeler l'ambassade qui nous a prévenu de ces pratiques illicites, les filles chantent "Frère douanier euh, dormez vous ?"… les douaniers oscillent entre ignorance ostensible (ils ne nous regardent pas dans les yeux), agacement (ils poussent les mecs pour fermer leur petite fenêtre) et stress (quand on mentionne l'ambassade). Ils nous laisseront poireauter 1h30, puis, on ne sait pas pourquoi, l'une de nous se représente au guichet pour bien leur montrer qu'on est toujours là (mais franchement ils ne peuvent pas nous ignorer, surtout avec les filles dans les parages !) et ils prennent les passeports et les tamponnent sans broncher.
Une petite (toute petite) victoire sur ces pratiques de corruption acceptée de tous (pendant notre sitting des dizaines de touristes en bus et des locaux paieront leur taxe indue).
Bref, Manu a tout de même payé ses 2$ pour tenter de prendre un bus et faire les démarches à Stung Treng dans la journée. Il trouve un mini bus qui l'y amène pour 13h. Là, grosse déception : notre dossier n'a pas pris le bus de nuit, il est dans le bus de jour qui n'arrivera qu'à 17h30… dans ces conditions, impossible d'être de retour pour passer la frontière dans la journée. Quant aux filles et moi, nous sommes dans une situation un peu problématique : plus de visa lao (expire le soir même) et pas question de renoncer à notre coup de tampon de sortie du territoire lao chèrement acquis, mais pas de possibilité de passer le camion côté cambodgien, puisque nous n'avons pas le fameux césame. Donc, me voilà repartie avec Pénélope (pour amadouer, c'est ma meilleure arme… en théorie !) pour négocier ma situation de la nuit à venir avec les 2 côtés, tandis que les filles font tranquillement leurs devoirs sur la "napemonde" à l'ombre d'un palétuvier, face au Duty Free lao où je capte le WiFi (eh oui, heureusement sinon je n'aurai eu aucun moyen de contacter Manu pour avoir les news !!). Côté lao, leur statut est le suivant : nous, on n'a pas de problème, on te fait passer avec ton véhicule, mais pas question que tu restes dans le no man's land, il faut t'arranger avec le Cambodge pour qu'ils te laissent passer. Me voilà donc retrouver mon Mr Custom cambodgien : là il m'explique que, vu que mon mari est à Stung Treng, il peut faire processer le papier en appelant un gars dont il me donne les coordonnées téléphoniques sur un petit papier. Puis il me dit que de toute façon, lui ferme son système informatique maintenant et qu'il ne peut plus rien faire. Il est 15h ! Je lui dis ok mais que moi j'ai un problème par rapport à mon camion et mes visas etc… Là il me rétorque "it's not my problem". Très bien, ce pourrait ne pas en être un pour moi non plus si simplement il acceptait que je passe la nuit de ce côté de la frontière. Mais là il se bloque. Pour lui, je suis en train de créer des problèmes et je ne veux pas l'écouter (! Ne serait-ce pas plutôt l'inverse ?). Il se braque, me reprend des mains le papier qu'il m'avait donné avec le contact de Stung Treng, et commence à me dire qu'il ne veut plus me parler. Comme j'insiste, je me prends une volée de propos qui me semblent inaudibles "Go back !", "sorry?", "Go back from where you come from ! We have too many people like you, we don't want you ! You have to follow the rules of my country, you are just a tourist !". Ces propos sont violents, d'autant que je suis restée très calme dans mes propos et que je ne m'attendais pas à ce type de réaction. J'en ai les larmes aux yeux. Entre temps, il me passera à nouveau un gars par téléphone qui ne fera que me répéter strictement la même chose (quelle est l'utilité de ce type de démarche ? Pas compris… peut être juste mettre un tiers entre nous, mais qui ne sert à rien ! Aucune médiation, juste réaffirmer l'autorité de l'autre).
Je m'assois pour me calmer, rencontre Lucas et Yas à ce moment qui passent la frontière (sans pb eux puisqu'ils ont le papier !), qui m'aident à reprendre mes esprits face à ce pourri de douanier qui cherche une attitude de totale soumission à ses ordres! Je vois qu'ils ont eu le même contact que celui que le douanier m'avait donné. Je leur demande donc de le transmettre asap à Manu, ce qui m'aide clairement à être plus zen, car il m'avait prise en otage avec la reprise de son papier !!
Lucas et yas repartent. Je repars penaude à mon camion, ne sachant pas quoi faire, puis fais demi tour ; après tout je ne risque rien à revenir en arrière et c'est maintenant où jamais car après il sera parti. Je reviens donc lui poser "une dernière question, très humblement" : would you let me sleep on your side for tonight please?. Un homme à la chemise blanche impeccable, bonne tête, se retourne et me dit "of course" et regarde l'autre qui ne peut alors que s'incliner. Du coup, il me tend à nouveau son papier, me redis qu'il faut faire les démarches ce soir à Stung Treng pour que nos papiers soient validés. Je retourne fissa au camion, fais grimper les filles et passe en noman's land (les laos me demandent si ok côté cambodge, bien sûr je mens un peu en disant oui).
Le soir nous ferons donc notre petit squatt, les filles heureuses de manger du porridge (car bien sûr je n'ai plus d'argent, heureusement que nous avons de quoi subsister), dans le noman's land devant la barrière cambodgienne, à côté d'un mur fraîchement doré et orné de nagas. Un gars viendra nous voir en mobylette, nous demandant si nous avons tout ce qu'il nous faut (il habite juste à côté), qu'il sait que c'est difficile pour nous voyageurs pour rentrer dans son pays et qu'il est désolé. Il n'imagine pas combien ces paroles sont rassérénantes face aux invectives de son officiel qqs heures auparavant !
Le lendemain matin 8h, je suis sortie du lit (ben oui, j'avais jusqu'à 14h à attendre Manu et le césame a priori…) par Mr Custom, qui m'annonce que tout a été fait à Stung Treng et que nous pouvons partir… En gros, nous sommes libres !! J'ai du mal à y croire vraiment, mais je lui fais confirmer et branle bas de combat : j'appelle Manu (car chose incroyable dans ce désordre des choses et de l'esprit, je capte un WiFi dans ce noman's land !!) et lui annonce qu'il ne bouge pas, que je viens le chercher.
Nous passons à peu près sans encombre le tampon du visa cambodgien (je tombe sur 1 deuxième asswhole qui me hurle dessus lorsque Pénélope commence à jouer avec son lecteur d'empreintes biométrique "YOUR CHILDREN MADAM!!" (cette petite morue ne daignera d'ailleurs pas s'excuser), puis tique sur la date de sortie du Laos (ben oui mon bon monsieur, c'est la veille, j'ai passé la nuit à la frontière !). Heureusement que le sympathique officier qui a passé la nuit dans la guérite à côté du camion arrive avec un grand sourire et un tonitruant Hello et lui explique les choses… ouf… il re-tampone nos visas à la date de la veille (qu'à cela ne tienne) et reste un dernier aval à la dernière grille et me voilà (pour la première fois !) au volant de Charlie Popette, à l'assaut du Cambodge pour aller rejoindre mon homme à 70 bornes de là. On n'imagine pas la sensation de liberté que ce passage de barrière procure ! Les filles sont étonnées que je sois capable de conduire le camion (argh que nous sommes conventionnels dans notre répartition des tâches !), et en roulant vite en plus (si elles savaient :)).
Retrouvailles heureuses à Stung treng dans un Cambodge sous le soleil brûlant… Car, il faut le savoir, le climat aussi change aux frontières, nous l'avons constaté avec incrédulité plusieurs fois !