29 mars : on dej dans le wadi où nous avons élu domicile pour la nuit, près d'un bassin et d'un village qui se révèlera étonnamment - et fâcheusement ! - animé en début de nuit. Nous sommes rejoints par le jardinier bengalais de la palmeraie qui, comme la plupart, a lâché sa famille au pays et est heureux d'avoir un bon boulot à Oman dans ce cadre magique. Puis on prend la route vers Sur. Jolie ville bord de mer, phare et vieille ville. On visite le chantier de boutres, ces grands bateaux de pêche en bois traditionnels qui voguent entre la mer d'Arabie, la mer rouge et l'océan indien. Impressionnants, c'est très grand, très haut et massif. On assiste à la découpe à la scie d'un tronc gigantesque. Après un copieux dej et 2-3 courses, on se dirige vers les plages réputées pour héberger les pontes des tortues, à l'est. Mais sur les 2 plages les plus connues, on ne peut aller observer les tortues sans avoir réservé une visite guidée. Nous partons donc en quête d'une petite plage de pêcheurs encore après Ras al Jinz - Ras al Waddayia?. Parvenus en haut d'une falaise, nous surplombons une superbe petite plage entre 2 avancées de terre et une vue imprenable sur les côtes rocheuses. Le sentier est raide et pierreux pour descendre à la plage, mais les dizaines d'énormes trous de tortues visibles depuis le chemin nous motivent à rester là, et en laissant le camion en hauteur, nous sommes sûrs de ne pas déranger nos amies tortues... Nous profitons d'une baignade bien agréable au coucher du soleil et faisons la connaissance de 2 jeunes pêcheurs adorables Mohammed et Abdullah, qui nous laissent leurs coordonnées. En commençant à remonter, nous voyons des formes bouger dans l'eau et immerger une partie de leur corps et croyons à un moment voir un dauphin... mais non, ce sont des tortues ! Elles doivent être gigantesques... ce sont clairement des têtes que nous voyons dépasser de temps à autres et les étranges ronds dans l'eau que nous voyions juste derrière nous sur la rive prennent tout leur sens, formés par les translations verticales des carapaces. Elles sont tout près ! A 21h nous nous rendons à nouveau sur la plage espérant apercevoir des tortues venues pondre ou libérer leur progéniture de leurs trous géants. Mais à cette heure-ci, c 'est plutôt une scène de carnage que nous constatons. 2-3 renards se sont enfuis à notre arrivée, leurs yeux brillants à la lumière et d'autres attendant au loin, laissant derrière eux des dizaines d'œufs de tortue vides de leur substance organique... Ils en ont eventré une centaine, creusant les trous-nids au crépuscule. La chasse est facile et peu glorieuse nous semble-t-il, un peu désolés par le carnage ambiant, mais… c'est la loi de la nature ! Au bout de la plage, pour couronner le tout, nous tombons sur le cadavre d'une énorme tortue (c'est là que nous nous rendons compte de la taille du bestiau !!), le vent chaud nous rabattant dans les narines l'odeur fétide de la charogne…
Après ce tableau morbide qui nous rappelle que la nature est aussi un monde impitoyable, nous mettons notre réveil à 4h.
Nous sommes à 4h15 sur notre plage, Erika, Manu et moi (les petites vaincues par le sommeil et l'incertitude de notre quête, et nous n'osons insister, car porter Salomé sur le sentier nous menant à la plage n'est pas une sinécure!).
Après 30 min d'errances à la lumière de la lune essentiellement (la lumière blanche effraie les tortues, comme nous sommes sans guide, nous sommes bien déterminés à respecter au mieux les règles de bienséance et de non nuisance aux tortues… ben oui, c'est la moindre des choses ! Soit : pas de lumière blanche, se situer toujours derrière ou sur le côté de la tortue, pas face à elle... Encore faut-il que nous en voyions une vivante pour faire preuve de notre bonne volonté !) et après nous être amusés des particules phosphorescentes qui forment des courbes lumineuses à l'endroit où les vagues viennent mourir sur la plage et s'accrochent aux semelles de nos tongs qui deviennent phosphorescentes à leur tour, donc après tout ça, nous distinguons clairement 2 nouvelles traces dans le sable dur qui s'apparentent presque à des traces de tracteur… On suit les circonvolutions de la plus proche, et là, postée dans un trou, une magnifique tortue toute verte, gigantesque (1m de long, une tête grosse comme celle de Pénélope et des pattes comme des pagaies, un engin !). On s'arrête et on l'observe. Elle creuse, par grands "coups" de ses géantes pattes avant qui balaient le sable synchrones, le projetant en arrière, et les pattes arrière moulinent à 180° l'une de l'autre, enfonçant un peu plus son abdomen à chaque mouvement. Elle s'arrête après quelques secondes, l'air épuisé, puis reprend une grande respiration sonore et repart pour un balayage en règle. On ne comprend pas bien ce qu'il se passe, elle doit déposer ses œufs…
La scène durera 1h, nous fascinés par le spectacle de cet animal préhistorique si pataud et inofensif, elle suant et trimant. Si bien que l'aube se profile, le lever de soleil sur la mer est superbe, la couleur verte intense de la tortue se révèle complètement, qu'elle est belle ! Nous sommes pris du doute affreux qu'elle s'enfonce toujours plus et puisse rester coincée là, pour mourir comme celle dont nous sentons encore l'odeur, quelques dizaines de mètres plus haut…
Pendant ce temps, nous sommes attirés par la mer qui semble se réveiller, et un ballet incroyable de 3, 4 voire 5 tortues à 10m du rivage, qui se montent dessus, battent des pattes au dessus de l'eau et jouent au petit jour ! Génial spectacle plein de vie cette fois :)
Manu part chercher les 2 petites et c'est ce moment, à presque 6h, que notre Tortue choisit pour s'extirper de son trou en 3 mouvements et se diriger pataudement mais efficacement sur le sable plus dur en direction de l'eau… Elle sera prise par une vague à 6h15 et ciao ! Pffff quelles belles images !! Les petites n'auront rien vu et Manu aura loupé la sortie de la bête (grrrrr), mais quelques photos et vidéos prises à la volée leur referont vivre en accéléré la scène :). Cf le petit journal !
Puis nous regagnons Sur, fourbus et heureux, où nous admirons la vue de la baie depuis le joli petit phare et tombons sur des os de baleine qui nous font rêver (mâchoire, colonne vertébrale, impressionnants!). Manu va tenter la négo d'un bout du géant avec l'artisan d'à côté qui, sans surprise, souhaite garder cette matière brute et extraordinaire pour lui. Nous voilà invités à prendre le café avec 4 marins, fils ou neveux de capitaines de navire, qui ont voyagé à Zanzibar, Inde et Afrique. On se croirait dans Sinbad le marin :))
Nous repartons avec un encensoir (essentiel de sentir bon ches les omanais - d'ailleur je n'ai pas encore parlé vraiment des omanais… ils sont beaux dans leurs dishdashas blanches pour les hommes, colorées pour les femmes mais nous voyons essentiellement les hommes en dehors des moments dans les familles - leurs cheichs rouges et blancs ou toques brodées sur la tês, toujours parfumés, fins et secs, les trains fins et acérés, bruns, mais moins qe les indients, bengalais ou zazibariens (?) et leur large sourire accompagnant un "welcome to my country", "how are you" ou "nice to meet you", souvent assorti soit d'un don (ce qu'ils ont avec eux à ce moment là : des fruits, un objet, un sourire a minima…), soit d'une invitation à prendre le café cardamome chez eux (pas mauvais finalement car plutôt léger en cardamome et non sucré)… les échanges sont vifs et agréables, jamais entachés de contrepartie. Chez nos amis marins, on nous conseillera, en vrac : de faire d'autres enfants jusqu'à arriver au mâle qui pourra gérer la suite (réaction immédiate d'Erika : "pffff, même s'il naissait maintenant, il serait toujours le plus petit" - sous entendu, il ne me prendra pas ma place d'aînée, c'est à moi de gérer // réaction plus inquiète de Pénélope "nan mais maman, en vrai on s'arrête là, hein?" - soit, moi non plus on ne va pas me prendre ma place de petite :), d'aller à l'hôpital le plus proche pour les pieds de notre Salomé (rebaptisée Salima, ils la garderaient bien tous à Oman !), de brûler de l'encens dans notre maison (smells good and kills moskitos… ne pas oublier qu'Oman a fait sa fortune sur l'encens de Salalah), d'aller à Zanzibar (même si ce n'est pas safe), de ne pas aller dans les wadis avec Salomé, de faire confiance en Allah...
Nous suivrons donc le 1er conseil (aller au Gospital), une petite clinique locale, première à apparaître sur mapsme : bandages et crémages en règle des 2 pieds de notre grande brûlée (un pied au 3ème degré tout de même, interdiction de marché et nager confirmée… pratique !!!), antibio pour elle et Manu dont la plaie peine à guérir, et le tout offert par le Sultant Qaboos, gentiment et avec professionnalisme. Pénélope a raison, trop sympa ce sultan-là !
Pendant la consultation, Pénélope, à qui rien ne doit échapper jamais, est diagnostiquée avec certitude future docteur… Pourquoi pas !
Après un dej (avec wifi !!! Mais toujours pas la possibilité de charger les posts sur le blog), en route pour un bivouac au sommet d'un plateau rocheux, vue wadi et vue mer entre Sur et Wadi Tiwi. Pâtes aux Saint jacques que le mini congélo avait réussi à garder fraîches et dures depuis l'orgie langoustes et coquillages de Masirah… plébiscite total ! Nuit de silence uniquement interrompue par quelques braiments d'ânes dans la montagne.