A Hamadan, où nous arrivons affamés et nous restaurons avec bonheur dans un très bon resto, cherchant un endroit paisible dans des ruelles vertes et cossues pour passer une nuit (enfin) tranquille, nous tombons sur Puyan, jovial étudiant de 25 ans en droit des brevets. Nous passerons donc la nuit chez ses parents et sa sœur, dans le sous sol de leur maison qu'ils sont sur le point de quitter (en plein déménagement). Cette joyeuse famille nous accueille simplement avec leur chowchow (c'est un chien à la fourrure soyeuse et moelleuse qui fait le bonheur des filles… enfin un chien qu'on peut toucher !) et avec une vraie bonhommie et bonne humeur communicative (mais nous sommes TOUJOURS de bonne humeur voyons…) autour d'un petit dej du lendemain, foisonnant de spécialités maison. Nous les quittons esquivant l'invitation à déjeuner, visitons à Kermanshah les bas reliefs de l'époque sassanide dans un joli jardin entourant une source limpide et nous dirigeons pour la nuit vers la montagne kurde. Après Paveh,gros bourg fourmillant accroché à la montagne - le décor est splendide - dans lequel nous arrivons à l'heure de pointe et dont les axes sont curieusement interdits à certaines voitures (nous avons entendu "Pigeot no", ben si… mais nous avec notre Benz délabrée, nous passons :), nous avançons encore qqs km dans cette si belle montagne verte et vertigineuse pour nous trouver un bivouac de rêve. Un chemin sur une crête, les collines montagneuses tout autour, toutes les nuances de vert et un panorama à 360 époustouflant (même légèrement abrité du vent). Qu'on est bien ici !! La nuit tombe, fraîche, et nous entendons une sorte de piaillement, miaulement, aboiement, un "piauloiement" dira-t-on étrange et sonore, suivi de hurlements : des loups ! Les loups se répondent d'une montagne à l'autre et puis le silence revient… Si seulement… mais on tombe de fatigue !
Howraman Thakt : nous longeons la frontière irakienne, à quelques mètres, les gardes sont lourdement armés, et nous arrivons via des paysages sublimes à ce merveilleux village à flanc de montagne, où les maisons, pierre contre pierre (traditionnellement sans joint) reposent les unes sur les toits des autres, jouissant d'une vue sublime sur la vallée verte. C'est le printemps, une printemps montagnard, frais et vivifiant, l'herbe est tendre et encore courte, comme un tapis ras et moelleux couvrant les montagnes rondes. A couper le souffle, ces vallées encaissées, arbres bas et feuillus formant des pointillés sombres dans le paysage, de la neige sur les sommets et sur certains bas-côtés dont le soleil aura complètement raison d'ici quelques jours. Au village, devant le cimetière de pierres tombales blanches plantées au milieu des herbes folles dominant la vallée, nous rencontrons Sabbah qui nous propose de manger des légumes de la montagne chez lui, ce que nous acceptons. Il est professeur et nous propose d'emmener les filles (Salomé en particulier… toujours Salomé ! Ils nous expliquent d'ailleurs tous que Salomé c'est perse… ce à quoi nous répondons, oui et hébreux aussi :) à l'école, ce qui ne les emballe pas :)). A la place, nous partons pour découvrir à pieds le vieux village où nous slalomons enter les maisons et leurs toits par une multitude de petits escaliers de pierre. Nous rencontrons 2 sœurs qui discutent sur un toit-palier et nous nous saluons en rigolant. Nous sommes immédiatement invités à boire le thé. Ici les gens sont en tenue traditionnelle kurde, franchement seyante pour les 2 sexes : pantalons salopettes bouffants et épaisse ceinture, turban blanc ou noir autour de la tête pour les hommes (certains vieux portent encore par-dessus les vestes claires aux épaules en forme de cornes, typiques du village), jupes / robes colorées pour les femmes et courts boléros de velours, foulards sombres bordés de liserés dorés. Nous voilà dans une salle garnie de tapis moelleux, 12 personnes autour de nous, hommes et femmes, de tous âges ; la discussion (mi-anglais, mi-gestuelle) va bon train et les plaisanteries aussi. Manu et moi sommes parfois troublés ou interloqués par les regards intenses qu'on nous jette, qui semble nous scruter au plus profond de nous, mais il suffit de faire un sourire pour qu'on nous le rende aussitôt, de faire un signe pour qu'en cœur, un groupe de jeunes nous saluent en criant gaiement comme si nous étions des stars de foot (oui dans ce pays ils aiment le foot !). .. Ce peuple est sûrement gentil comme nous l'avaient dit tous les iraniens que nous avions croisé jusqu'à maintenant, mais aussi joyeux et farceur, farouchement attaché à sa culture et à son territoire et ce regard franc et profond nous les rend attachants. Au moment de prendre congé, l'une des 2 sœurs pilier de cette famille nous fait signe qu'elle est triste de notre départ en s'essuyant les yeux avec l'index et le majeur et me prend dans ses bras d'une étreinte franche et intense, m'embrassant et nous souhaitant (vraisemblablement) toutes les bonnes choses. Ils nous accompagnent tous sur l'étroit perron qui fait face à la montagne, rigolant du papy visiblement fatigué, qui a enfilé les savates roses. Encore un peuple d'irréductibles et de frondeurs, meurtri par l'histoire, devant lutter pour garder territoire et liberté (pas que… une partie des kurdes de Turquie ont du aussi participer aux violences lors du génocide arménien, mais que sait on de leurs obligations...). Que c'est bon de s'extraire de la politique internationale et de rencontrer les peuples dans leur vérité quotidienne… Ils nous font penser un peu aux mongols, dans leur farouche besoin de liberté et leur fierté qui ne tient à rien d'autre qu'à leur façon d'être et à l'attachement à leur "patrimoine" naturel.
Sur la route de Marivan, les reliefs se font plus doux, les pentes moins abruptes, se transformant en campagne fraîche et collineuse, les troupeaux de moutons se sont mués en troupeaux de vaches, le printemps se fait plus doux aussi, aux odeurs de fleurs, rectangles bruns, rouges, verts et jaunes se juxtaposent en un gigantesque patchwork sur les collines, ce vert éclatant tout juste libéré de la neige et de la terre. Lieux de pique niques ravissants, entre les champs, vergers, ruisseaux et perspectives montagneuses… Les nuits glacent un peu, mais les journées sont au poil !