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Podgorica 2ème : rencontre avec la mafia, une remise en forme mécanique tourne en prise d'otage…

Expérimenter le monde de la mécanique automobile d'un pays, c'est souvent comprendre les rouages de son économie. Sisi. Si nous étions arrivés à Podgo (sommes fans des abréviations/surnoms dans la famille) en simples touristes, nous serions probablement arrivés à la conclusion suivante sur ce minuscule pays peuplé de géants : le Monténégro, c'est un confetti superbe dans les Balkans, petits bijoux et luxe sur la côte, monde paysan et paysages authentiques dans la montagne, un pays à l'échelle d'un village de 600 000 habitants. Point.

Notre petite épopée mécanique nous a fait entrevoir une des conséquences logiques de ce dernier point : ici tout le monde se connaît, se salue et se regarde, comme une grande famille ; sagas familiales et petits business rythment la vie du pays.

Alors commençons le récit par un des commencements possibles.

Nous commençons logiquement par aller voir le garage Mercedes de Podgo, qui à 16h, est en train de fermer et nous dit de revenir le lendemain 8h. Bon, très bien. Il pleut, nous irons donc, tout aussi naturellement, faire un bout de lessive de nos chaussettes de rando qui empestent le camion, sur la place centrale du village… euh de la capitale. De loin la scène devait sembler un peu irréelle (je me mets à la place du groupe de chinois qui a surgi sur la place à ce moment là, en rang et écoutant religieusement le guide), Manu me tenant le parapluie et moi, tongs et treillis, frottant le jus noir de nos shoesettes (comme dit Salomé) à l'eau de la fontaine...

Une petite 1/2h après, un gars pesant largement plus que son quintal et léchant / mâchouillant goulûment une glace dégoulinante frappe au carreau du camion et nous raconte un truc incompréhensible sur une Renault Cayenne (???) dans un non-anglais serbo-croate. Si bien que Manu lui demande s'il connaît un garage pour CP. Notre gars saisit l'occasion au vol : bien sûr, et "eh Misko, viens par ici !" (se ramène son acolyte de 2m de haut, comme 2/3 de la population ici) n'allez pas chez Mercedes, ils vont vous faire payer un max. Ni une ni deux, ils montent dans le camion (écrabouillant tongs et baskets au passage - heureusement il a engouffré son horrible glace en 2 bouchées avant de monter) et constatent les claquements du moteur etc… Ils ont l'air de s'y connaître. Ils nous indiquent un endroit où dormir et nous donnent rdv à 10h le lendemain matin pour nous accompagner dans un garage digne de confiance et nous aider à négocier.

Bon, l'heure est au remplissage d'estomacs ; nous allons donc manger notre copieuse crêpe au very center de Podgo au son des - plutôt agréables - musiques de bar et commentaires footeux, et on fait les paris sur viendront / viendront pas. On y croit plutôt. Un peu avant 10h nos acolytes sont sur le parking et nous embarquent au garage, essayant à moultes reprises de se débarrasser de femme (moi) et enfants (on va vous déposer au centre commercial - ok, pas de pb, mais APRES le garage), draguant grossièrement toute forme féminine (aux ongles peints de préférence) - vlà l'équipée ! A peine arrivés au garage, finalement nous laissons CP dans des mains expertes (?) et ils nous réembarquent pour aller prendre un café… que nous ne prendrons pas, car le mécano les rappelle pour dire qu'ils trouvent nos 4 injecteurs foireux…

Mouais, le prix des injecteurs annoncé est monté entre temps de 220 € à 300€ (par injecteur) ; Manu repart donc avec les 2 compères pour en avoir le cœur net, pendant que les filles et moi nous faisons un centre commercial (et comme à chaque fois je me souviens pourquoi je ne fais jamais les courses avec les filles)…. Finalement le garage nous dirige vers Bosch à la périphérie de la ville ; Manu y dépose le camion et nous rejoint pour déjeuner in extremis, flanqué de ses 2 gardes du corps (la demi-heure d'attente s'étant transformée en 2h). On se fait un gueuleton kebab (franchement pas mauvais) chez leur pote - ils connaissent tout le monde, saluant et faisant des accolades à droite à gauche, notre quintal absorbant la moitié du plat comme il se doit, répondant au téléphone, m'amenant raccommoder une tong (eh bien oui ça se fait… et ça fonctionne !), rappelant Bosch de temps à autres en nous retraduisant des "avancées" incompréhensibles (Google Translate a ses limites) et nous proposant un logement "prix d'ami" pour le we, étant donné que les garages ne travaillent soit disant pas le we.

Manu était revenu de sa virée mécanique content du mec de chez Bosch et franchement mitigé sur la probité de nos compères. Si la mafia monténégrine existe (et nous aurons par la suite cette confirmation par Ivo - 1 mort par jour, trafics de drogue et en tous genres, sur une population de 600 000 habitants), elle est là de toute évidence ;)

Ceci nous amuse plutôt, tout en nous faisant prendre des précautions sur comment ne pas se faire empapaouter, jusqu'au moment où ils nous emmènent dans le grand parc sur les hauteurs de la ville (fort agréable, à l'ombre des pins, vue ville et montagne) pour que les filles se défoulent en attendant des nouvelles de CP . Là, à peine garés, ils communiquent avec le garage qui leur demande de rappeler d'ici 30-40 min ; du coup, ils nous proposent de nous laisser nous balader et de nous rejoindre à cet endroit même d'ici 30min-1h. On accepte, plutôt contents de nous délester un instant de cette compagnie peu passionnante, et ne tiltons que 5 min plus tard sur le risque de ne pas revoir notre matos stocké dans la voiture (ordi/ipad et sacs des filles avec affaires d'école laissés pour ne pas nous alourdir) ; donc... on court pour tenter de les rattraper à la voiture et reprendre nos biens, ou on estime qu'il est déjà trop tard et on ne leur fait pas cette "offense" de les croire malhonnêtes ? Le temps de se le formuler, on se dit qu'il est trop tard de toute façon et que les dés sont jetés… Inutile de préciser que la balade de santé ne fut pas un pur moment de détente pour Manu et moi. Nous faisons l'inventaire de ce que nous avons laissé (en l'occurrence toutes nos photos d'1 an de baroude dans le PC - pas toutes sauvegardées bien entendu), repassons en boucle dans nos têtes les signes qui pourraient être témoins de leur honnêteté / malhonnêteté, et les recours que nous aurions s'ils ne réapparaissaient pas (nous n'avons ni leur nom, ni leur n° de tel ; mais d'un autre côté, tout le monde les connaît, le cordonnier, le restaurateur, le garage… pas possible pour eux de passer inaperçus très longtemps). 30 min plus tard nous sommes au point de rdv. Personne; on continue vers le parking et squattons la fontaine, le stress continue à monter, les filles se font, pour l'une, piquer par une abeille et, pour l'autre arracher la bouche par une plante urticante, mais nous avons d'autres chats à fouetter… 20 min passent, Manu retourne dans le doute au point de rdv, nos cerveaux bouillonnent et élaborent déjà les plans pour la suite (trouver un taxi, aller chez Bosch, récupérer les coordonnées des gars, porter plainte), quand arrive la Skoda avec force appels de phare ! Hmffffff, on intériorise notre soulagement, et allons aux nouvelles. Y en a pas (mais on s'en fout, tout est là :))

C'est le moment du grand numéro ; Misko nous demande combien nous pourrions leur donner pour les services rendus (toujours via Google translate), c'est pour son pote, lui il veut juste nous aider (ah!). On s'y attendait bien sûr, ils ont passé la journée avec nous ; on leur dit 15€ max (il y a l'essence et pas mal d'aller-retours). C'est alors qu'ils s'engueulent gentiment devant nous en monténégro-serbo-croate : "il voulait 50 € parce qu'il n'est pas allé au travail aujourd'hui pour s'occuper de vous", on s'esclaffe, on lui rappelle qu'on lui a payé à bouffer (valeur estimée 15€, ils ont bien avalé la moitié), bref, après un petit numéro bien rôdé semble-t-il, nous topons à 20€ et ils nous ramènent au garage Bosch.

Une fois là-bas Manu voit que le camion n'a pas bougé et les gars parlementent avec le staff (ça sent la magouille). Cette fois, Manu ne lâche ni l'ordinateur, ni les mécanos qui font le diagnostic en 10 min : 2 injecteurs foutus, voire un 3ème qui injecte trop de diesel dans le moteur… à voir. D'autre part, ils bossent le samedi (dommage pour la combine logement de nos acolytes, que nous avions refusé tout net ceci dit).

Le responsable mécano, Ivo un mec super pro et adorable, nous prend à part en nous disant texto "vous êtes venus avec un problème mécanique, vous allez repartir avec un autre genre de problème si vous continuez avec ces gars là" ! Nos compères ont en effet essayé de le convaincre de changer les 4 injecteurs et de leur filer 200 €, ce que notre honnête et consciencieux mécano a refusé tout net, bien énervé, leur rétorquant qu'il était un professionnel et ferait une facture officielle quoi qu'il arrive.

Haha, si nous avions besoin d'une confirmation de nos soupçons, la voilà :))

Toujours est-il qu'on s'en sort du coup très bien : Ivo nous propose de dormir sur le parking (WiFi all night long, de l'eau et étonnamment au calme par cette douce soirée), de prendre le camion demain 8h et de reconditionner nos injecteurs pour 70 €/pièce (on est loin des 220 € annoncés par Misko&co!). Nous en changerons 3 et paierons au final 260€ pour repartir vers 15h30, dans une ambiance sereine et amicale et sans rançon sur nos têtes !

Dans l'intervalle, nous vivons une tempête nocturne impressionnante de violentes rafales qui emportent tout sur leur passage (exceptionnel ici selon Ivo), une promenade dans la campagne autour de l'aéroport (à qqs centaines de m de chez Bosch), près de la rivière, à ramasser figues, thym et roquette sauvage et… une petite tortue toute belle et ronde... welcome Balka (from the Balkans...oui bon) !

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