Nous quittons la Slovénie ravis d'avoir découvert Ljubjlana et ses habitants, mais heureux aussi de nous faire un petit trip dans cette Italie que nous aimons tant.
Trévise est une très belle ville, pleine de vieilles bâtisses majestueuses, d'arcades, d'églises, de tours et de dômes, de fontaines où nous nous hydratons avec plaisir (il fait chaud et lourd !), de petits ponts sur l'eau. Nous trouvons un petit resto qui a l'air chouette, Chez Michi, à la croisée d'un pont et d'un moulin, et ils acceptent de nous servir à 15h00 passées. On se régale de pastas comme il se doit (les bigoli, sortes de gros spaghettis ronds) et de piadinas (ces gros sandwichs exquis avec un pain fin, mozzarella fondue et whatever on top…). Bref, tout va bien, sur une jolie terrasse toute verte au bord de l'eau, le patron semble un peu pressé de fermer, donc nous allons payer… Seulement voilà, au moment de sortir le portefeuille, il n'est pas dans le sac… Nous l'avons oublié au camion qui se trouve à 2-3 bornes de là. On explique et on s'excuse pour la gêne, on lui dit que s'il est pressé, on peut lui faire un virement immédiatement via internet, mais avec un geste d'humeur, il nous dit non, vous allez récupérer votre argent et je garde femme et enfants en gage. Mais pas plus de 10 min. Nous lui réexpliquons que ça va prendre un peu de temps puisque nous sommes garés loin du centre. Re-geste d'humeur. Manu part et je reste avec les filles à qui je demande de rester dans le jardin pour ne pas mettre le bazar à l'intérieur. Mauvaise idée, puisque dès qu'elles se meuvent, le gars vient me voir avec les bras qui lui tombent et ses yeux de chien battu en me disant "madam, it will not be possible". Très bien, j'explique aux filles qui se justifient de ne toucher à rien, que le monsieur est stressé et donc qu'on va éviter de le contrarier. Nous nous installons donc autour d'une table et je les canalise avec un jeu. Là le Michi revient et me demande d'appeler mon mari, ce à quoi je lui réponds que cela me semble inutile car il est parti dans l'unique but d'aller chercher l'argent ; peu de chances qu'il s'arrête faire du shopping ou prendre un café... Là il m'explique qu'il va être obligé d'appeler la police, car il ne voit pas mon mari revenir… Je rigole gentiment en lui disant qu'il fait ce qu'il veut, mais que cela me semble inutile et peu approprié. Bref, au bout de quelques minutes, je laisse les filles pour retourner les voir à l'intérieur, sentant le stress monter. Manu vient d'envoyer un message, il est à 2 km, je leur donne donc l'info en temps réel. Toutes les 10 min, le gars vient me voir avec son air de chien battu en me demandant où il en est, sinon c'est la police etc… Au bout de 3 fois, je lui dis toujours très calmement, que cela ne sert à rien de harceler, il voit bien qu'il est en chemin et qu'il appelle la police si c'est de nature à le rassurer (en moi-même je me dis que ce pays est bien malade si la police sert à ça et qu'il ferait mieux de la solliciter pour lutter contre la mafia, bref, je garde tout cela pour moi en ayant hâte moi aussi de sortir de ce traquenard). J'appelle Manu une dernière fois, il est à 500m, au niveau de la Piazza dei Signori ; "ah très bien, il est à 2 min alors". Mais au bout de 5 min, ô drame, il n'est toujours pas là. Michi, qui a du accumuler un stress de 10 ans en 50 min, m'explique alors que de la piazza dei Signori à ici il y a 2 min maximum, qu'il ne comprend pas, que se passe t il, que lui aussi a une famille.... Là, moi qui ai jusqu'ici gardé un calme olympien (sisi), répondant aux questions des filles ("il veut appeler la police ? Mais pourquoi ? On ne va pas aller dans une cage ? :)) et réprimant mon envie de rire aux airs désespérés de notre geôlier… euh taulier, je commence à sérieusement perdre patience et tente un dernier coup d'humour :"ah ? Alors c'est sans doute qu'il a l'intention d'abandonner sa femme et ses filles puisqu'il n'est TOUJOURS pas là ! C'est pour moi que vous devriez être désolé !"
Mais l'humour ne fait pas mouche. Avec un mauvais rictus (l'italien est fier avant tout), il me dit "ah oui sans doute" et me redemande d'appeler Manu. Là j'explose ! Je lui demande d'appeler lui-même et lui compose le numéro, mais il ne veut pas (il recule, lâche), car tout cela devient complètement ridicule, lui rappelle que je me suis excusée 10 fois, lui demande ce qu'il attend de moi exactement, que sa méfiance devient de la pure connerie et que son harcèlement a assez duré, qu'il aille passer ses nerfs sur quelqu'un d'autre. Manu arrive dans ces entrefaits en validant ma colère, arguant que nous ne sommes pas des voleurs, que nous avions toujours eu l'intention de payer, qu'il a fait ses 5 km au pas de course et qu'on ne traite pas les gens comme ça quand on a un commerce ; je termine en claquant la porte, laissant Manu régler notre énooorme dette de 40 € (ouf son resto ne va pas déposer le bilan, pauuvre Michi!) et prendre le relai. J'aurais voulu lui dire que sa vie devait être bien pourrie s'il est toujours aussi méfiant avec tout le monde et aussi stressé, que nous avons voyagé 1 an dans plus de 20 pays et que c'est la première fois qu'un oubli nous amène à de telles menaces (la police, HA !), que nos enfants n'ont pas été habitués à voir de tels comportements, que partout ailleurs on nous aurait demandé soit de laisser l'argent sous la porte s'il était si pressé, soit il aurait attendu son dû patiemment sans poser de questions - en gardant la famille en otage tout de même-, tout au plus en faisant la gueule,quelqu'un aurait apporté des jeux/trucs à grignoter pour les filles pour leur rendre l'attente moins pénible, que sourire parfois peut faire des miracles et faire un minimum confiance peut éviter un ulcère… Mais je n'ai pas eu cette présence d'esprit, je lui ai accordé le bénéfice du stress jusqu'au bout, jusqu'à ce que son comportement devienne franchement odieux et irrationnel et n'ai su qu'exprimer ma colère face au manque de respect.
Cet incident banal nous a mis un petit coup au moral. Comment se fait-il que ce comportement méfiant et mesquin épargne quasi tous les pays que nous avons traversés, jusqu'à la Slovénie, mais pas les vieux pays aigris que nous sommes ? et non, décidément nous n'avons pas envie d'apprendre cela à nos enfants… Ma foi, mieux vaut pêcher par naïveté et se faire rouler parfois, mais vivre serein et confiant en l'homme, plutôt que de ne jamais se faire avoir en vivant dans la méfiance. Pourvu qu'on s'en souvienne et aux ch…. Michi !
Nous continuons notre visite de Trévise peu enthousiastes et croisons 2 gars qui font une battle de hip hop ; même là règne un étonnant mauvais esprit, l'un des gars refuse de se lancer quand l'autre l'invite à se mesurer à lui avec des gestes d'énervement. Benvenito en Italia !
Et pardon pour les italiens qui liront ce billet d'humeur sans reconnaître leur peuple. Les généralisations sont toujours fortement discutables, le reste est arrivé.